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honneur, et que dédaigner votre hommage était un sûr moyen d’en obtenir de plus difficiles. Cela m’explique le charmant caprice dont vous avez été un moment ravi ; on ne parvient à rien d’éclatant sans paraître faire un sacrifice, et vous vous êtes trouvé là fort à propos pour ajouter au prix destiné au vainqueur.

— Si je vous comprends bien, tout cela veut dire que madame de Lisieux s’est moquée de moi. Eh bien, je lui pardonne. Au fait, il était impossible qu’il en fût autrement en voyant à quelle hauteur mon adoration l’avait placée. Il y a un degré de duperie où l’admirateur devient trop ridicule, je m’en aperçois maintenant ; madame de Lisieux l’a vu plus tôt : voilà tout.

— Oh ! ce ridicule-là n’a jamais dérangé l’amour d’aucune femme ; mais vous prenez pour du dédain ce qui n’est dans le fond qu’une ambition fort à la mode ; chacun ne pense aujourd’hui qu’à monter en grade, depuis la fille du négociant qui veut épouser un gentilhomme, jusqu’à la duchesse qui veut épouser un prince.

— Ah ! c’est un prince qu’on me donne pour rival ? vraiment c’est fort honorable, reprit Albéric en affectant d’un air d’indifférence, mais il faut qu’il ait encore d’autres titres à plaire ; c’est assez d’un mariage de vanité dans la vie d’une jolie femme, le second ressemblerait à une manie.