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pare de Mathilde lui fait oublier qu’il n’a aucun droit de la questionner : il ose lui parler de sa préoccupation. Un regard dédaigneux est tout ce qu’obtient sa demande indiscrète. Il insiste en tremblant, et Mathilde, sentant qu’il est de sa dignité de ne montrer aucun dépit, s’efforce de répondre d’un air indifférent :

— Puisque vous tenez à connaître les idées qui passent par la tête d’une femme que le soin de recevoir une foule de visites ne captive pas toujours assez, je vous dirai que je me reprochais de ne pas savoir m’amuser aussi bien que vous des travers de ce monde où j’étais condamnée à vivre.

— Cette manière de penser à moi ne m’oblige pas à la reconnaissance, vous en conviendrez, madame ? répondit Albéric d’un air piqué.

Sans paraître entendre la question, Mathilde continua :

— Vrai, je me blâmais franchement de ne pas rire assez des calculs de l’amour-propre, des propos de la fatuité, des projets de la malice, et de toutes ces petites perfidies dont le succès ou le revers divertissent également la bonne compagnie. C’est une mine intarissable pour la gaieté d’un esprit piquant, et je vous enviais aujourd’hui le talent dont j’ai fait trop souvent la satire.

— Je ne vous comprends pas, madame, dit Albéric d’une voix qui trahissait sa surprise et sa peine.

— Bon, reprit la duchesse, n’allez-vous pas prendre