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Madame de Méran ne se doutait pas du trouble qu’elle venait de jeter dans l’âme de sa cousine ; habituée à ne dissimuler aucune impression, elle ne pénétrait jamais au delà de celles qu’on lui laissait voir ; d’ailleurs elle avait entendu Mathilde si souvent parler d’Albéric comme d’un homme dont les défauts étaient intolérables, quelle n’aurait jamais soupçonné qu’il eût le moindre attrait pour elle. Aussi ne se fit-elle aucun reproche d’avoir simplement piqué l’amour-propre de sa cousine, assez pour l’engager dans une petite vengeance qui lui paraissait fort amusante à regarder.

Madame de Méran ne disait jamais que la vérité : c’était parfois chez elle une vertu barbare, mais qui donnait un grand crédit à ses moindres paroles ; et Mathilde ne pouvait trouver quelques moyens de justifier Albéric que dans la mauvaise foi de madame de Cérolle. Mais trop de circonstances parlaient contre M. de Varèze, et son caractère léger, cette habitude de tout sacrifier à une plaisanterie piquante, étaient ses premiers accusateurs.

Cependant le salon de la duchesse se remplissait de monde. La marquise d’Erneville, attirée par l’intérêt de savoir si Mathilde se chargeait de sa demande auprès de la famille Ribet, causait avec la baronne, tandis que Mathilde recevait mesdames de Cérolle d’une manière plus polie qu’affectueuse. En les entendant annoncer, elle avait prié sa cousine de ne leur point