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timent profond. Et moi aussi je me croyais tous ces défauts avant de la connaître ; mais je sens que le désir de lui plaire changeait déjà ma nature, et que je pourrais devenir ce que sa raison ou son caprice ordonnerait.

Cet aveu avait fait une vive impression sur Maurice. Jusqu’alors de faciles succès auprès de femmes peu sévères, des intrigues pour soustraire au pouvoir d’un jaloux financier quelques jolies danseuses, un commerce galant dont la coquetterie faisait tous les frais, avaient seuls occupé l’esprit d’Albéric ; son cœur n’y prenait aucune part, et Maurice supposait qu’un sentiment tendre ou malheureux ne viendrait jamais se mêler à des intérêts si frivoles. Mais il crut reconnaître l’accent de la vérité dans la manière dont Albéric parlait de son amour ; et puis il lui paraissait si naturel qu’on adorât Mathilde ! Ne devait-elle pas triompher de tout ! Si le comte de Varèze était digne de l’apprécier, rien ne l’empêchait de prétendre à sa main. Son rang, sa naissance lui donnaient le droit de chercher à lui plaire, et cette dernière réflexion décida Maurice à encourager son ami dans un amour qui devait le rendre meilleur et plus heureux. Cependant il fallait savoir comment cet amour serait accueilli, pour s’y livrer avec confiance : c’était la seule raison que Maurice opposât aux projets d’Albéric ; il ne se dissimulait pas que Mathilde serait l’arbitre de sa générosité comme elle était déjà le premier intérêt de son