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— Eh bien, tâchez qu’elle l’ignore toujours, dit le colonel.

— Cela m’est impossible. Je crois de mon devoir de l’en instruire ; ce sont de ces injures qui demandent vengeance, et si j’étais à la place de Mathilde, je lui en ferais subir une des plus éclatantes.

Tout en paraissant écouter le maréchal, Albéric ne perdit pas un mot de ce dialogue ; il prévit ce qu’il en devait attendre, et s’approchant de madame de Lisieux lorsqu’on se leva de table, il dit : — On va me dénoncer à vous, madame, on va vous exciter à la vengeance, et vous pourrez répondre qu’elle est accomplie ! ajouta-t-il d’un air triste et profondément ému.

Puis il s’éloigna de Mathilde en rendant grâce à la malice de la vicomtesse, qui l’aidait si bien à faire comprendre ce qu’il n’aurait osé dire ; et il se plaça de manière à observer le sourire gracieux que fit naître la dénonciation sur le beau visage de Mathilde.

— Comment ! vous n’êtes pas plus indignée de cette injure ? s’écria madame de Méran.

— Non, répondit la duchesse, je ne vois là rien d’injurieux.

— Je conviens d’autant mieux de sa beauté qu’elle me laisse parfaitement tranquille ! Si quelqu’un en avait dit autant de moi, je voudrais le punir en lui tournant la tête. Je lui ferais souffrir tous les supplices du dédain, de la jalousie, et puis je lui demanderais ensuite des nouvelles de sa tranquillité.