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— Ah ! mon Dieu ! dit alors à voix basse M. de Varèze à la duchesse, j’ai bien peur que cet ordre, donné pour nous faire taire, ne soit aussi un signal de départ ; le temps reçu pour une visite est déjà dépassé, et je ne sais plus comment faire pour rester sans vous paraître indiscret.

— Mais vous avez à me parler, m’a-t-on dit ; et comme je suis obligée de faire la partie de ma tante, je vous engage à attendre qu’elle soit finie, si cela ne contrarie pas vos projets.

— Avouez, madame, que je puis me dispenser de répondre ?

L’accent d’Albéric, en prononçant ces mots, jeta Mathilde dans un embarras qu’elle espéra dissimuler en appelant auprès d’elle Maurice, pour lui faire part de l’invitation qu’elle adressait à M. de Varèze, et lui demander s’il voulait lui tenir compagnie à souper.

— Je crains, dit-elle, que le même motif qui m’a fait oublier mon dîner n’ait aussi dérangé le vôtre, et je pense vous devoir cette réparation. Nous retiendrons aussi ma cousine ; sa gaieté nous sera d’un grand secours, car vous aussi, ajouta-t-elle en regardant Maurice, vous avez un fonds de tristesse qui se voit à travers votre sourire.

En effet, le colonel paraissait accablé sous le poids de réflexions pénibles, mais l’observation qu’en fit la duchesse lui rendit le courage de les surmonter : il céda de bonne grâce à la prière de madame de Méran,