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sur l’habileté des médecins attachés au lazaret de Marseille ; elle en citait plusieurs cures admirables, et prétendait que les mêmes fièvres qui ravageaient les plus belles contrées du Levant se guérissaient comme par miracle dès qu’on pouvait respirer l’air pur de notre France. Elle nommait plusieurs habitants de Genève qui avaient ainsi résisté à cette cruelle épidémie ; mais, après l’avoir écoutée attentivement, Mathilde s’écriait :

— Ah ! je n’ai pas de droit à un semblable bonheur. Il fallait suivre les mouvements de mon âme, et ne pas le désoler par une fierté dédaigneuse. Ai-je pu croire tout ce que la calomnie inventait contre lui ? N’avais-je pas deviné tout ce que sa légèreté apparente cachait de nobles sentiments ? et devais-je m’unir aux méchants qui l’envient, pour assurer sa perte ?… De misérables considérations, la peur d’une observation maligne, cette lâcheté d’esprit qui ne permet pas de se révolter contre des arrêts injustes, cette fausseté ordonnée qui défend aux femmes de laisser voir le sentiment qui les honore le plus ; voilà les misérables causes qui ont amené son désespoir et le mien. En me voyant si soumise aux caprices d’un monde qui n’avait encouragé ses torts que pour l’en punir plus cruellement, il a dû me croire telle que ce monde exige que l’on soit vaine, insensible, égoïste, et il faut toute la générosité de son cœur pour ne pas me haïr en mourant ; mais si sa bonté m’épargne, mes regrets le vengent assez. J’avais son amour… je l’aime, le bonheur était là. Je