Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est pas tout, il voulut comme vous, madame, savoir à combien de batailles j’avais assisté, et Dieu sait s’il en a entendu de bonnes, car les coups de sabre, les assauts, les fredaines, je lui ai tout conté. Quand nous sommes arrivés à Martigny, il m’a retenu à déjeuner avec lui ; alors ses domestiques, qu’il avait laissés à l’auberge, sortirent de sa voiture un grand nécessaire qui contenait cette tasse et un service comme nos maréchaux en portaient dans nos dernières campagnes. Quand tout cela fut étalé sur la table, on nous servit de bon vin de Champagne, mais dans de si petits verres que le colonel les jeta par la fenêtre, et versa le reste de la bouteille dans mon verre à bière et dans ce gobelet ; puis en trinquant, car nous buvions chaque coup à la gloire de la France, il me dit comme cela :

» — Changeons de verre, mon vieux camarade, cela vous obligera à penser à moi toutes les fois que vous boirez à la gloire de notre pays.

Le ciel sait que je lui tiens parole, et que je mourrais de faim à côté de cette tasse d’or plutôt que de m’en séparer.

— C’est dommage, dit Mathilde en souriant avec une sorte de coquetterie, car j’aurais bien désiré que vous puissiez me la céder.

— Moi, céder un souvenir si précieux ! Ah ! madame sent bien que cela m’est impossible.

— Certainement je n’aurais pas l’idée de vous en