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duit au rocher où l’on reprend les mulets. Le vieux militaire, touché de cette preuve de bonté, passa d’un air fier devant tous ceux qui se trouvaient là, en leur disant :

— Soyez tranquilles, il ne lui arrivera aucun accident.

Ces mots flattèrent sensiblement Mathilde, car ils prouvaient la sollicitude qu’elle inspirait. Pendant la route, son guide lui raconta tout ce qu’il savait d’intéressant sur le passage de nos troupes dans ces sentiers presque impraticables, en ayant soin de s’arrêter à chaque endroit où l’on avait fait la moindre halte. Et ce récit, animé par les soupirs ou les réflexions glorieuses du soldat, fit autant d’impression sur l’esprit de Mathilde, qu’en pourrait produire cette belle page de notre histoire écrite par le Tacite de nos jours.

Dans l’absence, un des besoins les plus impérieux de l’amour est d’associer ce qu’on aime à toutes les impressions qu’on reçoit ; on se demande ce qu’il penserait des événements ou des objets qui frappent notre esprit, et l’on ne se pardonne d’en jouir qu’en y mêlant le souvenir de celui qu’on regrette.

En écoutant Philippe, Mathilde s’était tant de fois questionnée sur l’intérêt qu’aurait pris Albéric aux paroles du vieux soldat, qu’elle finit par se persuader qu’il avait dû entendre ces mêmes récits lorsqu’il était venu visiter l’hospice.

En effet, interrogé sur ce point, Philippe répondit