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activité régnait ce jour-là dans l’hospice ; c’était l’époque des pélerinages ; l’église était remplie de pauvres habitants de la vallée d’Aoste et des chalets suspendus dans les montagnes voisines. Ces fidèles, armés de leurs bâtons ferrés, avaient gravi le mont glacé dans l’espoir que ce fatigant pélerinage leur attirerait quelques faveurs du ciel et les secours généreux des pères de l’hospice. On voyait parmi eux de jeunes fiancés qui venaient faire bénir leur union dans ce lieu sauvage, comme pour se prouver leur mutuel courage à suivre ensemble les chemins les plus durs et les plus périlleux.

Un vieux soldat priait au pied d’un tombeau dont l’inscription frappa les regards de Mathilde ; et, par un de ces mouvements où l’on confond, pour ainsi dire, l’amour du ciel avec la piété nationale, Mathilde s’agenouilla sur la marche du tombeau, à quelque distance du soldat, et l’on peut affirmer que le mot patrie se trouvait dans leurs communes prières.

Thérésia suivit l’exemple de Mathilde sans savoir à quel sentiment pieux elle cédait en ce moment. Mais lorsqu’elle vit le soldat et Mathilde se relever, elle fit plusieurs questions à sa cousine sur l’époque où ce tombeau avait été érigé, et sur la gloire du héros qu’il renfermait.

— Demandez à ce brave homme, dit madame de Lisieux en montrant le vieux soldat, je suis certaine qu’il vous répondra là-dessus mieux que personne.