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XXXII


Mathilde commença son voyage dans les montagnes par celles qui entourent la vallée de Chamouni ; puis elle gravit le grand Saint-Bernard, et fut accueillie par les pères de l’hospice avec cette sainte cordialité qu’on peut appeler la grâce de la vertu. Après avoir traversé les torrents, les rochers, les neiges qui semblent servir de remparts à cette pieuse solitude contre l’invasion des hommes, Mathilde fut bien surprise d’entendre les sons d’un piano accompagner une romance nouvelle. C’était un des frères de l’hospice que Thérésia avait trouvé accordant le piano de la grande salle où se réunissent les voyageurs, et qui l’avait priée de chanter. Il faut avoir visité cet affreux désert, où le plus beau mois de l’année n’a jamais vu poindre un brin d’herbe, pour se faire une idée de ce que doit y produire l’air qu’on chante dans les salons de Paris, et la vue d’un journal français qu’on aperçoit sur une table.

C’était vers la fin du mois d’août ; il avait fallu braver une chaleur insupportable pour arriver jusqu’aux neiges éternelles qui entourent le Saint-Bernard ; et, le même soir, les voyageurs se pressaient autour d’un grand feu, comme au milieu de l’hiver. Une extrême