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XXXI


L’arrivée de la duchesse de Lisieux à Aix fut une grande nouvelle parmi les baigneurs ; on s’attendait à la voir donner le ton par son élégance, et les plus distingués pensaient déjà à se faire inviter aux fêtes qu’elle donnerait, aux déjeuners champêtres, aux promenades à cheval qu’elle ferait dans les montagnes ; enfin, on la proclamait d’avance la reine des eaux, chacun s’apprêtait à lui faire sa cour.

Mais quand on la vit s’établir en malade dans une maison éloignée de celles où l’on se réunissait chaque soir,’et que l’on se fut assuré de sa résolution de vivre fort retirée, la malveillance succéda tout à coup à l’enthousiasme qu’on se promettait d’avoir pour elle ; et ses moindres démarches furent dès-lors soumises à une inspection générale. Un ami vieux et goutteux, une jeune fille de quatorze ans, composaient la société de Mathilde ; on les voyait partir chaque matin, après l’heure des bains, à cheval ou en calèche, pour aller chercher les endroits les plus solitaires de cette charmante vallée ; le soir ils prenaient le thé avec une famille génevoise qui habitait la même maison qu’eux. Cette manière de vivre aurait découragé la médisance, si quelque chose pouvait y parvenir ; mais on décida