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ces conjectures. Elle retourna à la cour, se montra aux spectacles ; et les gens qui s’imaginent que les plaisirs du monde triomphent de toutes les peines, la regardaient comme parfaitement consolée. Il est vrai que le mouvement d’une fête, l’air joyeux des gens qu’on y rencontre, provoquent une sorte d’étourdissement qui suspend un moment la souffrance ; mais combien elle redouble au retour de ces réunions bruyantes, lorsqu’on se retrouve seule avec sa pensée ! Que de femmes enviées seraient l’objet d’une juste pitié si on pouvait les suivre jusque dans la solitude, où elles déplorent le malheur qui les réduit à des plaisirs d’amour-propre ! À quoi bon être belle, pour être admirée de la foule indifférente ? Ah ! quand on s’est parée une fois pour quelqu’un, on ne se soucie plus d’être jolie pour personne.

Ce genre de succès devenant chaque jour plus insupportable à Mathilde, elle pensa qu’une plus longue contrainte était inutile, et qu’elle pouvait partir sans que sa tante eût le droit de s’en plaindre.

La réflexion, qui suit pour ainsi dire les crises du cœur, lui avait prouvé qu’elle ne retrouverait quelque repos que loin de ce monde où tout la blessait, et où elle s’était laissé entraîner à un sentiment dont l’amertume empoisonnerait sa vie entière. En vain elle cherchait à se persuader qu’elle pourrait avec le temps répondre à une autre affection : l’image d’Albéric était toujours entre elle et sa raison, et le souvenir de l’a-