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et je ne puis les montrer sans m’exposer au blâme, à l’insultante pitié qu’on accorde aux dupes d’un fat. La fièvre me dévore, et il faut que je me pare, que je m’offre avec un air riant devant les amis que mon chagrin mettrait au désespoir ! Oui, il faut que je meure plutôt que de passer dans le monde pour la rivale malheureuse de madame de Cérolle… Moi ! outragée pour une telle femme !… compromise comme elle !… Oh ! mon Dieu ! qu’ai-je fait pour m’attirer tant de honte !…

— Vous, de la honte ! s’écria Maurice ; et qui oserait flétrir ce qu’il y a de plus pur au monde ? Pensez-vous qu’il soit au pouvoir de ceux qui vous envient de détruire une réputation fondée sur tant de vertus et sur une conduite irréprochable ? Non, l’honneur est indépendant des propos de la calomnie ; autrement, quel être supérieur ne succomberait pas sous le poids des arrêts les plus iniques ? quelle bonne action ne serait interprétée comme un crime ? qu’il faudrait de courage pour être vertueux ! Mais, grâce au ciel, la méchanceté, qui invente le mal, n’a pas la puissance de l’accréditer longtemps ; le vrai en fait bientôt justice, et la réparation qu’on obtient ajoute encore à l’estime générale. Vous en verrez dans peu la preuve. Albéric est en ce moment victime d’une méchante intrigue. Ne pouvant se moquer de lui comme ils le font de tant d’autres, envieux de tous les avantages qui le mettent à l’abri d’une semblable ironie, ses ennemis