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sayé de modérer cette légèreté, mais son expérience lui avait appris que vouloir corriger c’était déplaire ; que les défauts se cachaient devant la sévérité pour se montrer plus à loisir quand ils n’avaient plus rien à craindre de leur persécuteur, et qu’il valait mieux tolérer une inconséquence que de provoquer l’hypocrisie. Le monde qui juge souvent ce qu’il ne comprend pas, blâmait sa philosophie ; plusieurs personnes même allaient jusqu’à lui donner le nom de complaisance. Mais la considération du vicomte de Méran n’en souffrait point : il y avait dans son caractère une fermeté, une exigeance des devoirs essentiels, une exactitude à les remplir qui ne permettaient point de le traiter avec le dédain qu’on a d’ordinaire pour les maris trop indulgents.

Il accompagnait souvent la duchesse de Lisieux ; sa gravité, son âge, qui n’était déjà plus celui de la galanterie, et son titre de parent, lui avaient acquis l’emploi de tuteur auprès d’elle. C’était un observateur muet, qui, sans l’approuver ni la contrarier, ne la perdait jamais de vue, et semblait se dire le plus froidement possible :

— Je suis curieux de voir quelle sera la destinée de cette femme.

Il n’en était pas ainsi du jeune comte d’Erneville, neveu du duc de Lisieux ; il n’avait que deux ans de moins que sa tante, et se croyait par cela même autorisé à la traiter avec une sorte de familiarité fraternelle