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pouvais m’abuser sur l’espoir de l’atteindre, et jamais je n’ai pensé…

— Ne t’efforce pas de me tromper plus longtemps, interrompit Albéric en prenant affectueusement la main de Maurice, je lis dans ton cœur ; j’y vois le même tourment que j’éprouve, sauf le mépris, la rage et toutes les affreuses pensées qui m’étouffent. Je crois qu’elle t’a joué comme moi, qu’elle a pris avec toi cette même attitude d’une femme qui s’efforce en vain de cacher le retour qu’elle accorde à l’amour qu’elle inspire ; enfin, je lui suppose autant de défauts abominables que je lui voyais de perfections.

— La colère t’égare ; ah ! garde-toi de la juger ainsi, elle est incapable d’un aussi vil manége. Je ne sais si je suis parvenu à lui dissimuler mieux qu’à toi ce qui se passait dans mon âme ; mais je te jure sur l’honneur qu’elle n’a jamais tenté d’arracher mon secret. Sa confiante affection, loin de flatter mon espérance, élevait entre nous une barrière insurmontable ; elle me faisait trop bien connaître son cœur pour qu’il me fût possible d’ignorer la modeste place que j’y occupais ; et ce qui me confond dans le parti qu’elle prend aujourd’hui, ce n’est ni son indifférence envers moi, ni le mystère qu’elle m’a fait de ce mariage, c’est qu’elle se soit déterminée aussi vite à renoncer à tes soins ; car, je l’avoue à ma honte, j’ai souffert bien souvent de l’idée qu’elle les recevait avec plus que de la reconnaissance.