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— Un sentiment tendre !… Oh ! j’affirme bien qu’elle en est incapable, dit Albéric la rage dans le cœur. Il lui importe si peu qu’on l’aime ! c’est le premier rang, le plus beau nom qu’il lui faut. Enfin elle ressemble à toutes les autres. Ah ! si son cœur avait su apprécier un amour véritable, tu serais plus heureux ; et ton bonheur me consolerait du moins.

— Moi ! reprit Maurice pâle d’étonnement.

— Oui, toi, le plus noble des amis ; toi, dont j’ai si souvent déchiré le cœur par mes folles confidences ; toi, qui espérais me cacher ton amour en protégeant le mien. Ah ! je méritais peut-être qu’elle se moquât de mes sentiments, de ma sottise à interpréter ses airs émus, ses mots contraints dont mon espérance faisait autant d’aveux. Mais toi, qui l’aimais sans oser te plaindre, toi, qui n’as pas un seul tort à te reprocher, devait-elle te préférer un homme qu’elle connaît à peine ?

— Je n’ai pas le droit de m’en offenser, dit Maurice cherchant à revenir de la surprise que lui causait le discours d’Albéric.

Et se flattant de pouvoir dissimuler encore avec lui, il ajouta :

— Madame de Lisieux n’a jamais pu supposer que j’eusse pour elle d’autre sentiment qu’une amitié respectueuse. Son rang, son extrême beauté, ses qualités brillantes la plaçaient si haut à mes yeux, que je ne