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femme qui entrait avait soin de faire du bruit en proportion de son élégance : était-elle parée, la porte de sa loge s’ouvrait longtemps avant qu’elle arrivât ; les hommes qui l’avaient précédée se levaient en hâte pour lui céder la place, et le mieux favorisé lui offrait la main pour l’aider à franchir le degré qu’il faut descendre pour parvenir à son siége. Alors son nom se répétait dans toute la salle, et le plaisir de vanter ou de critiquer sa toilette l’emportait pendant quelques moments sur celui d’écouter le chef-d’œuvre de Rossini. Sa loge devenait, pour ainsi dire, un second spectacle : un intérêt de curiosité s’attachait à chaque nouveau personnage qui s’y présentait ; on lui assignait un rôle, on lui prêtait une intrigue pour se donner la satisfaction de la démêler ; un bouquet, un éventail ramassé, quelques mots dits à l’oreille formaient le nœud dramatique ; l’air boudeur d’un jaloux, l’air confiant du mari étaient le comique de la pièce, et la médisance des spectateurs arrangeait à son gré le dénoûment.

Il est à remarquer que le besoin de produire un effet aussi vulgaire appartient ordinairement aux femmes qui n’ont pas les moyens de se faire distinguer par de réels avantages. Le bon goût de la duchesse de Lisieux aurait peut-être suffi pour la garantir de ce travers, mais elle en était particulièrement à l’abri par son esprit, sa beauté et la réunion des talents qui la faisaient si justement remarquer. On citait sa politesse affec-