Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parvenir sa pensée, ne laissera pas échapper ce moment, précieux. Eh bien, cette assurance, cette présence d’esprit, cette facilité de s’exprimer qui le distinguent, l’abandonnent en cet instant au point de s’en étonner lui-même. Il sent le bras de Mathilde s’appuyer doucement sur le sien, car elle a peine à se soutenir ; et le trouble qu’elle éprouve se communique au cœur d’Albéric, il en redouble les battements ; une émotion inconnue s’empare de lui ; ses idées se confondent, il n’en peut exprimer aucune, et Mathilde le croirait devenu tout à coup insensible si le tremblement qu’il éprouve ne se faisait sentir au bras posé sur celui d’Albéric. Ah ! combien elle lui sait gré de se taire ! qu’un mot spirituel gâterait cette douce émotion. Ils sont arrivés à la place gardée pour la duchesse de Lisieux, et tous deux restent debout derrière cette place, sans penser qu’elle doit s’y asseoir. Enfin, madame Ribet la prie de s’y mettre ; Mathilde quitte le bras de M. de Varèze ; et remarquant la profonde tristesse qui se peint sur ses traits, au moment où elle se sépare de lui, elle lui remet son éventail en disant :

— Gardez-le moi pendant le souper ; mais ne le perdez pas.

Un regard plein de reconnaissance répondit seul à cette recommandation gracieuse.

— Et moi, que me donnera-t-on à garder ? dit le maréchal de Lovano, que Mathilde n’avait pas aperçu près d’elle.