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— Avez-vous entendu ce que l’oracle de M. Ribet débitait sur tout ce qui est ici, à commencer par la famille du maître de la maison ? Vous étiez à côté de madame de Cérolle, et vous savez si, pour lui plaire, il a épargné les plaisanteries et les épigrammes ; il les fait à merveille, je n’en disconviens pas, mais un talent si soutenu en ce genre n’appartient qu’à un méchant homme ; et si vous m’en croyez, ma chère, vous ne l’engagerez pas à votre prochain bal. On danse mal en face d’une batterie de canon qui tire sur les danseurs, et le feu de sa moquerie n’est pas moins meurtrier.

— Mais si je ne l’invite pas, répondit la jolie madame T… à sa mère, je m’en ferai un ennemi.

— Cela vaut mieux que le contraire ; le seul moyen de déconcerter la méchanceté de ces sortes de personnes, mon enfant, est de rompre tout rapport avec elle : vous discréditez leur médisance, dès qu’on en sait le motif ; ils diraient sur vous les vérités les plus dures, révéleraient vos secrets les plus intimes, qu’on mettrait tous leurs propos sur le compte d’un sentiment de vengeance ; au lieu qu’en tolérant leur défaut dans l’espoir d’en être épargné, vous donnez à leur malice toute l’autorité de l’amitié. Comment ne le croirait-on pas, cet aimable médisant ? vous êtes ses amis, il passe sa vie chez vous, vos intérêts, vos ridicules lui sont connus ; le fond de l’histoire qu’il brode a son gré est véritable ; vous êtes forcée d’en convenir,