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qui lui est destiné. Elle le tient ; ses yeux semblent attachés sur le paysage qui s’y trouve peint, elle n’ose les relever ; sa respiration est plus hâtée ; elle porte la main sur son front, comme pour dissimuler l’émotion qu’on y pourrait lire. Mais cette émotion l’emporte, elle sent des larmes prêtes à couler, et cet éventail, cause d’un si vif attendrissement, va servir à le cacher.

Que de charmes sont renfermés dans cette puissance de faire naître par un mot, un souvenir, un tendre soin, la pâleur ou le sourire sur un charmant visage ; et pourquoi faut-il que ce pouvoir divin soit plus souvent accordé aux grâces de l’esprit qu’aux qualités de l’âme ? On accuse les femmes de se laisser trop facilement séduire par les délicatesses d’un amour ingénieux, et de les préférer souvent aux preuves authentiques d’un sentiment irrécusable. Mais ces grandes preuves, ces dévouements héroïques, ressemblent à la partie de ces brillants palais dont on ne se sert qu’aux jours de solennités. Ils ne sont d’aucune utilité dans l’habitude de la vie ; et le petit salon où l’on cause, ce boudoir où l’on rêve, cette bibliothèque qui fournit chaque jour à nos pensées, nous paraissent bien plus agréables à habiter. D’ailleurs les petits soins demandent beaucoup de temps, d’adresse et de bon goût ; il n’appartient pas à tout le monde d’en avoir. Ceux d’un fat sont offensants, ceux d’un sot sont ridicules, et ceux qui plaisent ont beau être dangereux, comme