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bablement à cela que j’ai dû l’honneur d’être écouté si favorablement du prince, et de le voir me suivre au même instant dans un autre salon. J’avoue que ce triomphe de mon éloquence sur celle de madame de Rennecourt aurait exalté mon amour-propre, si l’on pouvait se flatter du moindre succès aujourd’hui, lorsqu’on ne fait pas de la galanterie à la manière de Shakespeare ou de la rêverie allemande.

— Je croyais le prince Albert de vos amis, dit Mathilde à sa cousine.

— Certainement je l’aime infiniment.

— Et vous le laissez traiter ainsi ?

— Quel mal y a-t-il à parler de sa manière de rêver l’amour ? Je trouve son visage fort beau, son caractère fort noble, personne ne nie ces avantages. Mais je ne peux pas l’empêcher d’être allemand.

— Vraiment, c’est fort heureux, reprit Albéric en regardant la duchesse, car si vous aviez cette puissance il deviendrait trop dangereux, à en juger par les passions qu’il inspire en dépit de son germanisme.

— C’est assez, dit madame de Méran ; ma cousine a raison, il ne faut pas rire des gens qui aiment ; cela devient un ridicule si rare !…

— Et si mal payé, interrompit Albéric, que le temps en fait justice ; mais je vous demande mille fois pardon de tant d’innocentes niaiseries sur le noble adorateur de madame de Rennecourt. Si j’avais deviné qu’on ne pouvait en rire sans déplaire à madame,