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thilde ne les aperçut point d’abord, car sa tante et sa cousine se levèrent pour venir l’embrasser, et plusieurs personnes l’entourèrent ; on se récria sur son éternelle absence de quinze jours, on l’accabla de questions sur ce qu’elle avait pu faire pendant ce siècle d’ennui ; les uns la trouvèrent pâle, d’autres plus fraîche que jamais ; et chacun, sans attendre ses réponses, lui apprenait une nouvelle, une mort, un mariage, une présentation, un projet de ministère : c’était à qui l’étourdirait pour s’en faire écouter. Albéric seul n’avait pas dit un mot, et paraissait absorbé par la conversation du marquis. Mais celui-ci fut obligé de s’interrompre un moment pour venir saluer sa belle-sœur ; alors Albéric se rapprocha de madame de Méran, et la joie qui brilla subitement dans ses yeux aurait suffi pour dénoncer le trouble qui venait de saisir Mathilde.

— C’est de la colère, pensa-t-il, mais n’importe, ma vue lui fait mal ; cela me venge un peu.

Non, ce n’était pas seulement de la colère ; Albéric le savait bien ; mais son amour-propre, engagé envers lui-même, ne voulait pas convenir qu’il succombait à la moindre espérance. Cependant il aurait joui délicieusement de l’émotion de Mathilde, et l’aurait sans doute augmentée par quelques mots affectueux, si la vicomtesse, frappée de la préoccupation d’Albéric, ne s’était penchée vers son oreille pour lui dire :

— Ah ! vous appelez cela être guéri ?