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d’aborder dans l’île. Elle demanda au batelier s’il connaissait ce jeune dessinateur ?

— C’est, répondit-il, le compagnon d’un autre monsieur qui est descendu hier soir à l’auberge, et qui était déjà venu la veille dans sa calèche. Je ne sais pas son nom, mais si madame la duchesse le désire, j’irai de ce pas m’en informer, et je reviendrai…

— Il n’est pas nécessaire, dit Mathilde en paraissant chasser une idée déraisonnable ; et elle alla retrouver sa voiture.



XIV


Si l’absence aide parfois à surmonter un sentiment trop vif, c’est dans le mouvement d’un voyage et l’agitation du monde qu’on en ressent l’effet. La solitude est toujours complice des faiblesses de l’âme ; on s’y livre d’autant plus au charme de penser à ce qu’on aime, qu’on se sent à l’abri de sa présence. L’impossibilité enhardit la rêverie, et lorsqu’on revient dans le monde dont on s’était éloigné par dépit ou par prudence, il se trouve qu’on a passé tout le temps de l’exil avec l’image qu’on voulait fuir. C’est ce qui arriva à Mathilde : loin d’avoir acquis plus de calme, plus d’assurance, pendant son séjour à la campagne, elle se troubla en revoyant Albéric, comme si tous les aveux,