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tendresse subite de votre famille pour Albéric ? Mais je vous raconterai tout ce qu’on en dit pendant l’opéra.

Et Mathilde se laissa entraîner, moins par complaisance que par le désir de savoir quelle impression lui causerait la vue d’Albéric, et comment il agirait envers elle, car sa conduite pouvait seule détruire ou confirmer les bruits répandus par madame de Cérolle.

L’opéra était commencé depuis longtemps lorsque la duchesse de Lisieux et sa cousine entrèrent dans la loge destinée aux personnes de service à la cour. L’arrivée de deux femmes élégantes ne manque jamais d’attirer les regards, et M. de Varèze, voyant tous ceux des spectateurs se porter du même côté, s’avança pour savoir ce qui causait une telle sensation ; au même instant ses yeux rencontrèrent ceux de Mathilde, et son cœur battit avec tant de violence, qu’il fut obligé de s’asseoir dans le fond de la loge, pouvant à peine se soutenir. On ne saurait exprimer l’indignation qu’il ressentit contre lui-même, en se voyant ainsi abattu sous le poids d’une émotion dont il se croyait à l’abri. Combien son mépris redoublerait, pensait-il, si elle pouvait deviner le trouble où me jette sa vue !

Et, dans sa colère orgueilleuse, Albéric jurait de cacher tous les bons sentiments de son âme sous les dehors d’un cœur sec et d’un esprit frivole.

Dès l’entr’acte, M. Ribet sortit de sa loge pour venir à la rencontre de M. de Varèze et de son jeune pro-