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le plaisir commencent des liaisons, que l’habitude maintient en dépit de l’indifférence. Ces sortes d’arrangement sont tolérés dans le monde en raison du peu de bonheur qu’il en paraît résulter ; et quand le moment de se quitter arrive, les tendres amants sont tellement excédés l’un de l’autre, que la rupture se passe sans le moindre scandale. C’est ainsi qu’il faut être, sous peine de passer pour un sot, et c’est ainsi que je veux être désormais.

— Sans nier la vérité du tableau, je croyais qu’il était possible de rencontrer des femmes dignes d’un attachement vif et durable.

— Et moi aussi je le croyais ! reprit Albéric en soupirant ; mais j’étais dans l’erreur.

— Non, c’est maintenant que le courroux vous égare, cher Albéric ; ne vous livrez pas plus longtemps au sentiment qui remplit votre cœur d’amertume ; craignez que cette amertume ne se répande dans vos discours et ne vous prépare de cruels regrets. Je lis mieux que vous dans votre âme ; à force de parler le langage de la haine, vous espérez la voir succéder au sentiment qui vous agite ; votre esprit lance des arrêts contre les intérêts les plus chers à votre cœur, comme un souverain fait bombarder une ville rebelle sans penser aux regrets qu’il ressentira en voyant les ravages causés par sa victoire. Épargnez-vous les chagrins attachés à ce genre de triomphe, croyez-en mon amitié.