Page:Nichault - Le Mari confident.pdf/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restât, pour y jouir encore des vestiges de cette féodalité qui, sans avoir rien conservé de sa puissance, a gardé dans de certaines provinces toutes les formes dont elle était revêtue. Le seigneur des Bruyères avait son banc à l’église, son fauteuil au conseil municipal. Les notables du village le complimentaient le jour de sa fête. Il rendait le pain bénit à Pâques, et les charrettes s’arrêtaient quand son carrosse allait passer. Ces petits priviléges le consolaient de la perte des grands, et ce ne fut pas sans de vifs regrets qu’il se résigna à en faire le sacrifice.

Se voir remplacé dans ces honneurs de châtelain par le fils de son fermier, ajoutait encore à son chagrin ; car des motifs d’économie l’obligeant à habiter une maison très-modeste qu’il avait fait bâtir autrefois dans les environs de son château pour y loger une vieille tante, il aurait sans cesse sous les yeux la prospérité du nouvel enrichi, comparée avec sa propre déchéance,

Il se consola bientôt, en apprenant que ce François Thomassin, qui n’était pas revenu dans le pays depuis qu’il avait jeté sa blouse aux orties, était ce qu’on appelle un assez bon diable, rusé comme un paysan, vain comme un parvenu, mais très-facile à vivre dès qu’on se résignait à le croire