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patrie, et tant d’émotions à la seule pensée du désespoir qu’il allait porter dans la famille de son ami. Comment préparer une mère à cette affreuse nouvelle ? Par quel moyen Théobald la lui fera-t-il pressentir ? Ce cruel soin l’occupait tout entier, à mesure qu’il approchait de Bordeaux. Cherchant à s’éclairer sur la manière dont il doit s’y prendre, il ouvre le portefeuille de Léon, relit les lettres de sa mère, de sa sœur, et son effroi redouble, en voyant ces mots, tracés par la main de Céline :

« C’est bien assez d’affronter chaque jour de glorieux dangers, n’en cherche point d’inutiles ; songe que ta vie est celle de ma mère, et qu’elle est la mienne ; et puis je te défends de mourir avant de me connaître, etc. »

— Eh bien, pensait Théobald après avoir lu cette recommandation touchante, c’est elle que j’affligerai la première ; son chagrin sera un trop sûr avertissement pour sa mère, et nous conviendrons ensemble du motif que d’abord il y faudra donner. Malgré tout ce qu’il y avait de triste dans ce projet, Théobald y revenait sans cesse ; c’était une communauté de douleurs, de soins pieux, de mystères, de prudence, qui devaient nécessairement établir une intimité presque fraternelle entre Céline et lui. On ne reste