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avaient vu un marchand tartare s’apitoyer sur leur triste esclavage, ils imaginaient cent moyens d’y échapper, mais tous d’une exécution à peu près impossible. L’embarras n’était pas de s’enfuir du village où on les condamnait à passer l’hiver ; mais comment se frayer un chemin dans ces déserts de neige, et traverser, sans se faire arrêter, un pays dont on ne connaît ni les habitudes, ni le langage ?

Tant d’obstacles ne décourageaient pas Léon dont l’unique pensée était de revoir sa mère, mais il se croyait pourtant obligé de céder aux représentations de son ami, lorsqu’il lui démontrait que le plus grand chagrin qu’il pût causer à sa famille, était d’aller chercher une mort certaine dans les glaces de la Russie.

— Laissons faire la destinée, disait Théobald, j’ai le pressentiment qu’elle me fournira bientôt une occasion d’adoucir tes ennuis ; je n’ai pas comme toi la crainte de désespérer une mère, une sœur, et je puis me risquer sans remords…

— Ingrat, s’écria Léon.

— Oui, je t’offense, reprit Théobald, ton ami n’a pas le droit de mépriser la vie, mais ne lui est-il pas permis de s’exposer pour empêcher ta mère de suc-