Page:Nichault - Le Faux Frère.pdf/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissant ou malheureux, ne t’aurait jamais pardonné d’accepter le mien. Et toi, que les plus illustres familles seraient fières d’adopter, toi que j’aurais voulu parer de tous les titres que donne la gloire, tu rougirais du nom de ton époux !… et c’est moi qui t’exposerais à tant d’humiliation… Ah ! mon amour devait t’en défendre : je le sens, la fierté qui me fait dédaigner un injuste mépris succomberait au tourment de t’en voir souffrir.

» En vain je me suis flatté que le sang versé pour la patrie pouvait laver les taches imprimées sur un front innocent. J’entendais vanter les lumières du siècle ; je croyais qu’être éclairé, c’est être juste : l’expérience a trop tôt dissipé mon erreur. Si les lois semblent le protéger, la société ne laisse aucun refuge au malheureux héritier d’un nom proscrit. C’est le paria dont l’aspect est un malheur, et l’approche une souillure. Dans la haine qui le poursuit, il ne peut choisir qu’entre la honte ou la révolte. Décidé à mourir, je l’avoue, une mort brillante a plus d’une fois tenté mon orgueil : ce n’était pas une ambition vaine. Dans ces moments de révolution, où le parti qui succombe n’attend parfois qu’un chef audacieux pour reconquérir le pouvoir, le soldat qui se dévoue est certain d’entraîner à sa suite un grand nombre de mécontents ; et, repoussé