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Céline ; pouvais-je hésiter ? Pouvais-je moins accorder à l’honneur, lorsqu’elle me donnait elle-même l’exemple du plus grand sacrifice que l’amour puisse lui faire ? car ton cœur m’appartient, Cécile, et tu vas consacrer ta vie au bonheur d’un autre !… Ah ! c’est toi qu’il faut plaindre ; toi que la naissance, les vertus, la beauté appelaient à une destinée si heureuse ! Tant de biens réunis n’ont pu triompher de la fatalité attachée à mon sort ! J’ai porté le trouble, la douleur dans l’âme la plus pure ; voilà mon crime ! le ciel devait m’en punir. Ce n’était point assez de me livrer à l’injustice, à la méchanceté des hommes, il fallait ton malheur pour accomplir mon châtiment.

» Ton malheur !… à cette idée, tout mon courage expire. Ah ! que ne puisse-je emporter dans la tombe jusqu’au souvenir qui va t’affliger ! Mais, Céline, pourquoi pleurer ma mort, elle n’ajoute rien à nos regrets : n’étions-nous pas séparés pour toujours ?… Oui, lors même que, touchée de nos peines, ta famille aurait consenti à nous unir, le monde, ce tyran implacable qui parle de philosophie en immolant tout au préjugé ; qui prêche la tolérance en poursuivant sa vengeance jusque sur les enfants du coupable ; ce monde qu’on voit tour à tour, l’esclave ou le persécuteur d’un nom