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de l’abattement qui se peint sur les traits de Théobald, veut qu’il prenne quelque repos avant de se mettre en route ; rien ne peut le retenir un moment de plus ; il traverse d’un pas rapide la cour de la forteresse, et Léon le suit sans s’étonner de son impatience.

En s’élançant dans la voiture qui les attendait, Théobald jette sa bourse au postillon qui laisse à peine le temps à Marcel de monter sur le siège ; et les chevaux partent au galop. En moins d’une heure ils arrivent au village de Melvas. Lorsque Théobald aperçut l’avenue du château, il s’écria en prenant la main de Léon :

— Ah ! mon ami, tant de bonheur m’était destiné, et j’ai maudit mon sort !… Ingrat, impie tout à la fois, j’ai soupçonné ton amitié, j’ai douté de la justice divine, et c’est quand le ciel me réservait tant de biens que je l’accusais de m’accabler de maux insupportables : c’est alors que j’osais… mais il est assez vengé par les remords que j’éprouve… Sans doute il m’a pardonné puisqu’il me permet que je la revoie encore.

Ces accents du désespoir, mêlés à des transports de joie, jetaient dans l’âme de Léon une sombre inquiétude qui ressemblait à un affreux pressentiment. Il reproche à son ami d’attrister par de vains regrets le plus doux moment de sa vie ; il lui défend toute autre