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de pleurer sans crime celui qu’elle regrettait, il fallait y renoncer pour jamais. Au moment d’un si cruel sacrifice, elle aurait peut-être senti succomber son courage, si l’excès de sa douleur ne lui avait donné l’espérance de n’en pas souffrir longtemps. C’est dans cette triste pensée qu’il faut trop souvent chercher la cause de la résignation des femmes. Leur nature délicate paraît si peu faite pour supporter de longs tourments, que chez elle les idées de malheur et de mort sont presque inséparables.

Après les présentations et les compliments d’usage, on forma un double cercle devant la table où s’était déjà placé le notaire. Céline, qui avait de la peine à se soutenir, était restée auprès de la vieille présidente. Madame de Lormoy vint s’asseoir à côté de sa fille, comme pour la fortifier contre les émotions que pourrait lui donner cette lecture ; elle lui prit la main, mais sans oser lever les yeux sur elle, car l’expression douloureuse de sa physionomie, ses lèvres pâles, tremblantes, quoique souriant toujours, inspiraient à sa mère autant d’effroi que de pitié ; elle se reprochait d’avoir consenti à ce mariage, sans se rappeler que Céline avait elle-même demandé qu’on le célébrât sans délai, et que depuis qu’il était décidé, jamais sa