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écoutant toutes deux, tant elles me disaient des choses surprenantes.

— Léon vit, dit en soupirant Théobald, je puis le revoir encore, et ce bonheur ne peut me consoler.

— Oui, monsieur, il vit, et c’est lui-même qui vient d’écrire à sa mère comment, après avoir laissé son bagage sur les bords de l’Ural, il avait passé le fleuve à la nage ; qu’ayant été atteint par une balle, il était tombé en arrivant sur l’autre rive ; que les cosaques s’en étaient emparés, l’avaient traîné jusqu’au village où étaient réunis les prisonniers qu’on envoyait en Sibérie, et qu’il serait encore dans ces déserts glacés, si la paix n’avait amené l’échange des prisonniers français. Mais sans aucune ressource, Dieu sait ce qu’il a souffert avant de parvenir à sortir de ce damné pays. Enfin le ciel l’a protégé ; quand il pourra persuader à ces entêtés du ministère qu’il n’est pas mort, nous le verrons arriver, et il ne vous laissera pas longtemps dans cette garnison de brigands, j’espère.

— Il ne dépend plus de lui de m’en tirer, répliqua tristement Théobald ; qui sait même si, abusé par les récits de sa famille, il ne me croit pas coupable !… Ah ! cette idée abat mon courage…

Et il se détourna pour cacher son émotion.