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pour la cacher à tous les yeux. La confiance était rentrée dans son âme ; ce calme passager lui répondait de sa prudence ; elle ne voyait plus de danger à rester auprès de Théobald, sans penser que cette confiance, due à quelques mots de lui, pouvait s’altérer encore ; que le moindre événement peut troubler la paix d’un cœur jaloux, à peine revenu des soupçons de la veille. Elle se disposait à passer une journée agréable, et prétendait même employer l’ascendant de Théobald sur Nadège, pour l’amener à mieux accueillir les vœux de M. de Boisvilliers. C’était une bonne action dont sa générosité naturelle lui dissimulait l’avantage qu’elle en pouvait tirer pour elle-même. Ainsi, dans les âmes délicates, l’intérêt personnel est obligé de se cacher pour agir, c’est un sujet soumis à toutes les qualités nobles. Il n’est le tyran que des âmes vulgaires.

Madame de Lormoy se portait mieux depuis quelque temps. Céline paraissait d’une gaieté charmante, Théobald en était fier ; M. de Rosac semblait avoir fait provision de bons mots, et le marquis de Boisvilliers, rassuré par la conduite de celui qu’il croyait être son rival, avait repris son courage ; enfin, chacun était bien disposé, en partant pour se rendre chez la princesse.