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l’époque, avant que Théobald l’eût quittée pour toujours.

Cet entretien ne paraissait pas devoir dissiper le chagrin de Théobald, et pourtant, lorsqu’il remonta en voiture, sa poitrine était moins oppressée, son visage avait pris une expression plus douce, et son esprit, plus libre, se mêlait avec grâce à la conversation. Où donc avait-il puisé tant de courage ? Était-ce dans l’ordre qu’il avait reçu de sacrifier son amour au bonheur de M. de Rosac ? Était-ce dans l’arrêt irrévocable qui le condamnait à se séparer bientôt de Céline ? Non ; mais la rigueur même de cet ordre prouverait quel sentiment l’avait dicté. On ne craint autant que l’amour qu’on partage, et cette pensée entraînait à sa suite tant de douces réflexions, qu’elle triomphait de toutes les autres.

Ainsi l’on sort quelquefois du plus triste entretien le cœur soulagé, comme l’on revient d’une fête accablé de tristesse. Ces différentes impressions semblent incompréhensibles, et cependant l’événement prouve bientôt qu’elles étaient fondées. Ce mystère de l’âme ferait supposer que ce qu’on sent trompe moins que ce qu’on voit, et qu’il existe, pour ainsi dire, en nous un instinct du vrai que rien ne peut abuser. Sans cela,