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quait Théobald et Léon. Séparés par la naissance, par le crime d’un père, unis par les périls, le courage et l’amour de la patrie, ils offraient le modèle de cette amitié sainte, consacrée par les poètes antiques. Ce culte de deux âmes pures, cette religion divine, on y croyait après les avoir vus ; et depuis les généraux qui les commandaient jusqu’aux soldats qui leur étaient soumis, tous les estimaient, les aimaient en commun. L’un d’eux se distinguait-il par un trait généreux, par une action glorieuse, on ne les racontait jamais qu’en disant : « Ils ont secouru tel malheureux, ils ont fait tant de prisonniers, » et le pauvre blessé rendu à la vie par leurs soins, lorsqu’il avait remercié l’un, se croyait quitte envers l’autre.

Cependant cette amitié si noble et si dévouée était née de la haine. Léon de Saint-Irène, fils d’un riche colon, avait perdu son père dans ces temps affreux où le rang, la fortune étaient punis de mort. Le comte de Saint-Irène, caché dans un village aux environs de Paris, avait été découvert et dénoncé par le trop célèbre Eribert[1]. Ce membre zélé d’un gouvernement féroce n’aurait peut-être laissé de lui que le souvenir d’un homme doux et spirituel, si les horreurs de la

  1. Nom substitué au véritable.