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— Comment ! ce serait moi, s’écria Théobald, prêt à se trahir dans l’excès de son émotion.

— Oui, c’est toi qui me l’as fait aimer, reprit Céline ; et c’est ce Théobald, auquel je suis presque étrangère, que j’ai associé à mon sort. Je l’avais prévu, tu ris de ma folie ?

— Oh non ! je n’en ris pas ; seulement je ne puis concevoir… Quoi ! c’était dans le même instant… mais, tu savais la haine qu’on lui porte ici. Tu savais que jamais cet amour…

— Hélas ! oui ; et, malgré cette triste certitude, les préventions de mon oncle, celles de ma mère, n’ont fait qu’ajouter à mes sentiments pour ton ami ; je me regarde comme le vengeur des torts que le monde a envers lui, comme la consolation que le ciel lui destine, en compensation des malheurs qu’il doit à son père ; enfin, soit générosité, soit amour, ce que j’éprouve pour cet être inconnu ne me permet pas d’accepter sans trahison la main qu’on me propose ; je sens que ta sagesse même ne suffirait pas pour me détacher de lui, et que, pour renoncer à l’espoir d’en être aimée, il faut que tu me prouves que son cœur est pour jamais à une autre.

— Ah ! son cœur t’appartient tout entier ! s’écria