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lui-même. Un des inconvénients attachés à l’éducation du Barreau, c’est d’apprendre à parler, avant de savoir penser. Dans l’âge où les idées sont à peine écloses, les jeunes avocats les revêtissent de phrases pompeuses que le vulgaire applaudit sans les comprendre ; ravis de ce premier triomphe, ils portent dans la société le talent d’improviser sur tout sans rien dire, et se font quelquefois les ennuyeux bavards des salons dont ils auraient pu devenir les plus amusants causeurs.

C’est ce qui arriva à M. de Rosac ; il parlait sans s’inquiéter du plaisir ou de l’ennui qu’il causait à ses auditeurs, pourtant un hasard malheureux et qui se renouvelait souvent, aurait dû l’éclairer ; car il ne manquait jamais de raconter l’aventure qu’il aurait fallu taire, de lancer des sentences contre les manies des gens qui se trouvaient présents, de vanter les personnes avec lesquelles on était brouillé ; enfin de déconcerter les intérêts de chacun, et cela, le plus innocemment du monde.

Théobald ne fut pas longtemps à s’apercevoir des fâcheux à-propos de M. de Rosac, en l’entendant raconter la mort d’une femme de ses amis, qui venait de succomber à la maladie dont madame de Lormoy