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de la noblesse de son cœur, de sa naïveté, des charmes de son esprit, Théobald rendait grâces au hasard singulier qui le plaçait de manière à la voir sous un jour où l’on n’aperçoit jamais la femme que l’on aime. Ordinairement le premier soupçon d’amour fait naître l’embarras ; la contrainte se mêle au désir de plaire, et il en résulte dans les manières une sorte d’affectation qui rend la plupart des femmes toutes différentes de ce qu’elles sont réellement ; les unes y gagnent, d’autres y perdent ; mais toujours le naturel en souffre, et s’il ne revenait avec les chagrins attachés à l’amour, les amants se connaîtraient mal. Dans la situation où se trouvait Céline, n’ayant aucun intérêt à cacher ses défauts ou à faire valoir ses agréments devant Théobald, elle se livrait à son observation avec la confiance de l’amitié, sans se douter que cet abandon charmant, cette absence de toute coquetterie, tournaient au profit de l’amour.

Un matin que tous étaient réunis autour du lit de madame de Lormoy, on remit au baron une lettre dont la lecture sembla lui causer une vive satisfaction. Théobald, qui tremblait malgré lui à chaque nouvelle qui parvenait dans la maison, était fort curieux de savoir ce qui pouvait animer ainsi le visage froid et