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Richelieu, et presque sur les genoux d’Anne d’Autriche : elle venait de donner Louis XIV à la France, et elle voyait dans le jeune comte de Guiche le complaisant naturel de son royal enfant. Mais Armand était d’un caractère fier, indépendant, et, malgré les recommandations de sa mère, malgré les pénitences qu’il s’attirait souvent pour avoir résisté aux caprices de son auguste compagnon, il retombait toujours dans le même tort, et sans le bon esprit de la reine qui encourageait Armand de Guiche à ne pas se laisser opprimer par le Dauphin, il aurait beaucoup souffert de cette noble camaraderie.



II

Un jour la mère d’Armand, tout en larmes, vint le prendre pour le conduire dans la chambre de son parrain, où toute la famille du cardinal de Richelieu était réunie pour le voir mourir. Le roi lui-même était là, feignant des regrets qu’il était loin d’éprouver, et le cardinal disait à la vue de l’hostie consacrée que lui présentait le curé de Saint-Eustache :

— Voilà mon juge qui prononcera ma sentence ; je le prie de me condamner si, dans mon ministère, je me suis proposé autre chose que le bien de la religion de l’État[1].

Ces mots, dits avec le calme et toutes les apparences d’une parfaite confiance en Dieu, laissèrent dans l’esprit du jeune comte de Guiche une impression que les historiens du cardinal de Richelieu n’ont pu effacer. Il est resté persuadé qu’une si belle mort ne pouvait couronner qu’une vie irréprochable. Eh ! qui n’a pas connu ces saintes illusions de l’enfance !

Le maréchal de Gramont était à la cour lors de ce grand événement. Il perdait un protecteur puissant, sa douleur fut profonde ; le roi lui-même ne put l’en consoler, malgré les promesses qu’il lui fit de lui continuer sa protection

  1. Histoire de France.