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— Monsieur le duc, un fils, un beau garçon… Madame la duchesse bien portante… je suis accouru pour vous donner cette bonne nouvelle. Tous vos gens en sont si heureux, qu’ils ont fait un feu de joie dans la cour de l’hôtel, c’est à qui fêtera la venue de l’héritier de notre bon maître.

— Le ciel me devait bien ce bonheur, dit le dur de Gramont à M. de Turenne, pour me consoler du chagrin que j’éprouve de n’avoir pu décider le duc de Weimar à aller attaquer l’arrière-garde de l’ennemi avant qu’il ait le temps de recevoir un renfort. Nous l’aurions entièrement défait. Vous verrez, cher vicomte, quelles seront les suites de cette faute.

M. de Turenne, qui avait soutenu au conseil l’avis du duc de Gramont, déplora avec lui la résistance qu’y avait apportée le duc de Weimar ; et l’expérience prouva qu’ils avaient tous deux raison.

Dans son exaltation guerrière et sa rage de voir l’ennemi marcher sur Dijon, le duc de Gramont s’écria :

— Mes amis, je vous en prends à témoins, ce fils que le ciel me donne aujourd’hui, cet héritier tant désiré, je le voue dès ce moment à la vengeance, à la gloire de notre armée, je jure de l’élever dans la haine des ennemis et l’amour de la France, dans ce fanatisme des vieux guerriers de notre maison et à l’exemple des Châtillon, des Turenne, des Candale, enfin de tous ces nobles camarades avec qui j’ai l’honneur de combattre.

— Vive le duc de Gramont ! et le successeur qu’il nous promet ! s’écrièrent tous les officiers présents, et les soldats répétèrent ce vivat, sans en savoir la cause.

Le duc de Gramont obtint quelques jours de congé pour venir embrasser le nouveau-né, sa jeune mère, et assister au baptême du comte de Guiche. 11 eut pour parrain le cardinal de Richelieu, et pour marraine la duchesse d’Aiguillon, les deux grandes puissances de l’Europe. C’était entrer dans la vie protégé par ce que le monde révère le plus :

La gloire, le génie et le pouvoir.

Aussitôt après la cérémonie du baptême, le duc repartit pour l’armée où l’appelaient les préparatifs du siége de Landrecies. Ambitieux d’arriver au grade de maréchal de France, et non moins stimulé par le désir de reconnaître ce qu’il devait à la protection particulière de Louis XIII, le