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c’était moi qui l’eusse offensée. Frédéric aussi ne me parle plus ; cette double disgrâce m’a engagée à rester dans mon appartement ; j’étais indisposée, et je vais profiter des moments qu’on me laisse, pour causer avec mon Emma, en travaillant au tableau que j’ai commencé.

La promesse que j’ai faite à Lucie va me coûter bien des contrariétés ; il me faudra supporter tous les caprices de Caroline, de son frère, et tu m’avoueras que c’est une cruelle tâche ; mais je me suis ôté tous moyens de refus, et je les aurais, que je ne voudrais pas en profiter.

Madame de Varannes a reçu hier une lettre de madame de Gercourt, qui lui apprend sa prochaine arrivée. Malgré l’envie que j’ai de ne point voir augmenter notre société, je ne suis point fâchée que madame de Gercourt vienne partager avec nous le soin d’amuser ma belle-mère. Tu connais ma répugnance pour le jeu, et tu conçois l’empressement que je mettrai à lui céder le plaisir de faire tous les soirs un éternel piquet ; étant beaucoup plus âgée que moi, ses goûts se rapprochent davantage de ceux de madame de Varannes, et sans faire aucun sacrifice, elle me rendra bien des moments que, par complaisance, je consacrais à l’ennui. On dit qu’elle vient d’éprouver des chagrins ; sa manie d’écrire lui a attiré des critiques sanglantes, et c’est pour échap-