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chagrin qu’elle allait bientôt éprouver en se séparant de son frère.

— C’est déjà trop, ajouta-t-elle, de perdre la société d’un ami tel que lui ; mais le voir partir malheureux, et retourner dans les lieux témoins du bonheur qu’il a perdu, c’est plus que mon courage n’en peut supporter. Pauvre James !

— À ces mots je vis couler ses larmes, elle devina que je partageais sa peine, et me récompensa de cette preuve d’amitié par une entière confiance. J’appris d’elle que sir James avait aimé cette milady Léednam, si coquette et si belle ; que lord Drymer s’opposant formellement à cet amour, il s’était décidé à abandonner sa famille pour la suivre en France ; qu’il avait passé six mois avec elle, dans la retraite quoiqu’au milieu de Paris. Mais milady ayant désiré vivement de voir le grand monde, il avait cédé à cette fantaisie, et s’était engagé à se montrer le moins possible avec elle pour ne pas la compromettre. Un soin aussi délicat aurait suffi pour la retenir, si elle eût conservé quelque sentiment de pudeur ; mais sa perfidie n’attendait que le moment d’éclater. Un soir que sir James revenait du spectacle, on lui remit un billet de milady, contenant tout ce qui pouvait donner une apparence de raison à son infâme conduite : elle lui disait que son père ayant mis à leur union un obstacle invincible, elle croyait se sacrifier