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qui y mettait du sien jusqu’à sa dernière heure. Elle eut, vers le milieu de sa carrière, un bonheur dont toutes les mères qui écrivent ne se seraient pas accommodées : elle eut des filles qui l’égalèrent par l’esprit, et dont l’une la surpassa par le talent. La mère de madame Émile de Girardin présida longtemps aux succès et à la renommée poétique de sa fille ; elle en reçut des reflets qui la réjouirent, qui la rajeunirent, et qui ne l’éclipsèrent pas. Quand on voyait madame Gay en compagnie de ses filles, de madame de Girardin et de madame la comtesse O’Donnell, ce qu’il y avait de plus jeune, de plus moderne de façon, de plus élégant en celles-ci, ce que leur esprit avait, si je puis dire, de mieux monté dans son brillant et de mieux taillé par toutes les facettes, ne faisait que mieux ressortir ce qu’il y avait de vigoureux et de natif en leur mère. C’est de ce caractère original, de cette vitalité puissante de femme du monde et de femme d’esprit que je voudrais toucher ici quelque chose, en rapportant madame Gay à sa vraie date, et en indiquant aussi, en choisissant quelques-uns des traits fins et des observations délicates qui distinguent ses meilleurs écrits.

Marie-Françoise-Sophie Nichault de Lavalette, née à Paris, le 1er juillet 1776, d’un père homme de finances, attaché à la maison de Monsieur (depuis Louis XVIII), et d’une mère très-belle, dont la ressemblance avec mademoiselle Contat était frappante, reçut une très-bonne éducation, une instruction très-soignée, et se fit remarquer tout enfant par la gaieté piquante et la promptitude de ses reparties. À l’une des cérémonies qui accompagnèrent sa première communion, comme elle était en toilette avec une robe longue et traînante qui l’embarrassait, et qu’elle se retournait souvent pour la rejeter en arrière, une de ses compagnes lui dit : « Cette Sophie est ennuyeuse avec sa tête et sa queue. — Toi, ça ne te gênera pas, répon-