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siez la cour à sa maîtresse, après avoir obtenu de lui le grade que vous désiriez. En effet c’est fort mal, mais je connais le duc, il a vu votre repentir et je suis sûre qu’il a déjà pardonné votre folie.

— Il serait possible, ai-je dit, en regardant Frédéric, que son indulgence n’allât pas aussi loin, mais je répondrais qu’il saura peu gré à votre fils de quitter sa mère pour rejoindre son régiment, si sa présence n’y est pas nécessaire : il est si naturel qu’il cherche à vous consoler de la perte que nous avons faite.

— Vous le voyez, mon fils, il n’est que vous qui ne sentiez pas la peine que doit me faire votre absence !

En disant ces mots, la bonne mère pleurait ; je m’accusais de sa douleur et mes yeux se remplissaient de larmes ; Frédéric ne me quittait pas de vue ; il vit à quel point j’étais touchée, et se jetant aux genoux de sa mère :

— Non, s’écria-t-il, je ne mérite pas un si tendre intérêt ; mais je serais un monstre, si je ne faisais pas tout ce qui doit m’en rendre digne. Ah ! ma mère, oubliez les torts que je viens de me donner ; disposez de moi, de ma vie entière ; j’ignore le sort qui m’est réservé, mais il n’y a que la nécessité ou un ordre bien cruel,… dit-il en me lançant un regard expressif, qui puisse me séparer de vous.