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Madame de Varannes est montée chez moi, ce soir, accompagnée de M. Billing : il était chargé par la famille Savinie de demander si nous serions visibles demain, et si ma santé était rétablie. Frédéric est venu quelques moments après avec sa sœur : elle m’a dit malignement que dans l’impatience de me voir, il n’avait pas dîné, qu’il avait accusé elle et sa mère de ne m’avoir point remis ses billets ; assurant que je n’aurais pas eu la cruauté de le laisser aussi longtemps privé de ma présence, si j’avais su combien il souffrait. J’ai trouvé cet intérêt un peu exagéré : M. Billing en a souri, et j’ai cru devoir le traiter en plaisanterie. Frédéric s’en est offensé ; il a pris un air sérieux et ne l’a pas quitté de la soirée. On a longtemps parlé de choses indifférentes ; mais la conversation étant tombée sur madame de Savinie, je me suis répandue en éloges sur son compte : j’ai dit sincèrement que je serais fort heureuse de mériter son amitié. M. Billing m’a déclaré qu’il trahirait mon secret, qu’il était trop l’ami de madame Lucie pour lui cacher une chose qui devait lui faire autant de plaisir. Madame de Varannes lui a demandé assez indiscrètement d’où venait la profonde tristesse de sir James, et cette misanthropie qui détruisait le charme de tous les avantages qu’il avait reçus de la nature.

— Ce sont de ces chagrins, répondit-il, dont la