Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sophe à son âge… je vivrais mille ans que je n’attendrais jamais ce degré de sagesse.

— Quand on est aussi heureux de sa folie, répondit Lucie, qu’a-t-on besoin d’une raison qui n’est souvent que le fruit d’une triste expérience ?

Elle paraissait émue douloureusement en achevant cette phrase ; elle allait continuer, quand nous aperçûmes au bout de l’allée un jeune homme que je présumai facilement devoir être sir James : c’était lui en effet. Je fus frappée de la beauté de sa taille, de ses traits et plus encore de la sombre mélancolie répandue sur toute sa personne. Il parut surpris de nous rencontrer ; je le vis sensiblement pâlir en nous abordant. Il nous fit un salut plus noble que gracieux, et dit quelques mots prononcés de manière à prouver qu’il sait parfaitement le français. Le bien que j’en dis est totalement dépourvu d’intérêt personnel ; car il n’a pas daigné jeter les yeux sur moi. Caroline est la seule dont il se soit occupé : elle en a paru flattée, et leur entretien, quoique très-réservé, m’a suffisamment expliqué les deux heures passées à sa toilette, et le plaisir qu’on se promettait de cette visite. Peut-être me trompé-je ; je le souhaite pour bien des raisons. Ce qu’il y a de certain, c’est que si mon cœur était libre comme le sien, il serait peu touché de l’imposante beauté de sir James Drymer. Son regard a quelque chose de sinistre et son