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douleur. Je pleurerais encore, me diras-tu : oui ; mais ce n’est pas cela qui fait du mal !



V


Je n’ai pu t’écrire comme je l’espérais, chère Juliette ; ma maudite santé en a été cause : je suis restée l’autre jour un peu tard dans les bois du château de Savinie. Le froid m’a saisie, et j’en suis revenue avec la fièvre. Elle m’a forcée de garder le lit assez longtemps ; mais elle est entièrement dissipée, et je ne me sens plus qu’un peu de faiblesse. J’avais prié qu’on ne laissât pas entrer Emma dans ma chambre, craignant de lui donner la fièvre : on n’a jamais pu gagner cela sur elle. À présent que je n’ai plus d’inquiétude, tu juges facilement du plaisir que m’a fait sa désobéissance. Ces petits moments-là me rattachent à la vie, et je crois, comme toi, que cet enfant me donnera bien des jouissances ; mais qui m’assurera de le conserver ? Depuis que j’ai perdu son père, il me semble que la mort menace tout ce qui m’est cher. Quand on a été trompé dans l’espoir le mieux fondé, comment compter sur quelque chose ? Je ne m’appesantirai pas davantage sur cette idée ; tu me