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pour elle ; je serais trop malheureuse de lui voir préférer la société d’un autre. Madame de Savinie a une petite fille de son âge, je vais tâcher d’en faire une compagne pour Emma : cela m’obligera à faire quelques frais de politesse, à quelques avances qui ne sont pas de mon goût ; mais que ne ferais-je pas pour cette chère enfant ?

Frédéric est de retour : sa mère l’a revu avec un plaisir qui décèle sa préférence : il la justifie par la tournure la plus aimable et tout ce qui peut flatter l’amour-propre d’une mère. Sa figure a quelque chose de celle de Henri ; mais la ressemblance s’arrête là : car ses manières sont absolument différentes. Il a paru ému en me voyant, et le souvenir de son frère a répandu dans ses yeux une expression de tristesse qui a pénétré dans mon cœur. Il est vrai qu’elle a bientôt disparu pour faire place au sourire ; il a pris Emma sur ses genoux, s’est prêté à toutes ses folies. Je ne puis blâmer la gaîté dont elle a profité. Caroline aurait voulu que je partageasse davantage la joie qu’elle a éprouvée, en apprenant que son frère avait obtenu un congé de trois mois, et qu’il les passerait à Varannes ; mais, en vérité, je suis si éloignée de toute idée de bonheur, que je n’ai plus ce qu’il faut pour partager celui d’un autre. Elle m’a fait promettre de les accompagner demain dans la visite qu’ils doivent rendre à madame de Savinie. Cet